La Réserve Magazine Rethinking Luxury

Facebook, Twitter, Skype, LinkedIn, Dropbox... Les plus grands réseaux sociaux ont tous choisi le bleu, dans la lignée de leur ancêtre historique MySpace, au logo bleu lui aussi. À ce stade, impossible de croire à une simple coïncidence.

LA PETITE PLANÈTE BLEUE

Karen Haller, experte britannique en psychologie des couleurs et consultante pour de nombreuses marques, ne voit rien d’étonnant dans cette stratégie. Selon elle, le bleu est la couleur de la communication par excellence. Psychologiquement, le bleu évoque la confiance, la sérénité, la sécurité, la réflexion. Des valeurs positives qui correspondent idéalement à de très jeunes entreprises innovantes, soucieuses de rassurer leurs utilisateurs face à des révolutions technologiques d’une ampleur inédite. Par ailleurs, le bleu est la couleur la plus populaire au monde, utilisée dans toutes les cultures, argument de poids pour des réseaux sociaux aux ambitions planétaires... Les aspects négatifs de cette couleur froide, qui pourrait paraître distante, sont vite gommés par ses atouts objectifs : le bleu assure un effet de contraste idéal sur les écrans, c’est d’ailleurs la couleur de sélection du texte par défaut sur un ordinateur...

DES ORIGINES ARISTOCRATIQUES

Historiquement, le pigment bleu faisait partie des plus coûteux à produire et était donc réservé aux privilégiés. Marina Warner*, historienne et romancière, explique que sa fabrication à partir de lapis lazuli concassé le réservait à l’élite aristocratique.

Dès le XIIe siècle, les peintres médiévaux religieux habillent la Vierge Marie de bleu céleste, couleur sacrée aux pouvoirs magiques. Quelques siècles plus tard, les dieux du numérique ne s’y sont pas trompés... Le fondateur de Facebook affirme que le bleu est sa couleur préférée et qu’il n’y a pas d’autre raison au choix du logo. Mais même Mark Zuckerberg n’échappe pas à la psychologie des couleurs.

BLEU RIME DÉJÀ AVEC VIEUX...

Aujourd’hui, les géants historiques du digital se font bousculer par les petits nouveaux du web et là, pas de bleu à l’horizon... La nouvelle génération joue à fond la différenciation. Le jaune pour Snapchat, le vert pour WhatsApp, le rouge pour YouTube et Pinterest, multicolore pour Instagram... Au-delà de la volonté de se démarquer et de viser une cible plus jeune avec des codes différents, c’est une vraie rupture profonde, celle de l’internet mobile. La généralisation du bleu ne posait pas trop de problème sur un écran d’ordinateur, où le logo apparaît essentiellement dans l’onglet du navigateur. Les enjeux sont tout différents sur un écran de smartphone, où les logos des apps sont en concurrence directe et doivent émerger absolument. Alors même si le bleu reste roi du digital, il n’a jamais été associé à l’idée d’originalité ou d’innovation. De nouveaux territoires colorés restent donc à conquérir...

Par Anne-Marie Clerc

*Marina Warner « Alone of All Her Sex: The myth and the cult of the Virgin Mary ».