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- Bien-être & Santé -

La liberté,
Ça s'apprend tout petit

Plus libres que jamais ! Les enfants des pays développés de 2020 semblent bien gâtés en comparaison des générations précédentes. Et pourtant, une société des loisirs et de haute technologie pourrait bien se révéler insidieusement autoritaire pour les jeunes cerveaux qui n’en possèdent pas le mode d’emploi. L’apprentissage de LA LIBERTÉ apparaît comme le plus beau cadeau que les parents puissent faire à leurs enfants…

LA VIE MODERNE, UN CONTE DE FÉES POUR PETITS ET GRANDS

Il y a quelques décennies seulement, l’accès à la culture et à l’éducation était réservé à une élite. Heureusement, l’élévation globale du niveau de vie dans les pays avancés et les progrès technologiques ont changé la donne. La vie est devenue miraculeusement plus facile avec des possibilités de découverte et des avancées inédites. Les voyages se sont démocratisés dans un monde désormais sans frontières ou presque. Les loisirs ont pris une place considérable, à mesure que le temps de travail diminuait et internet a ouvert à tous des ressources infinies de connaissances et d’érudition. Au départ, l’avènement du numérique était accompagné d’une véritable utopie de partage de connaissances et de liberté absolue… Jusqu’à ce que la captation de l’attention devienne une source de revenus pour les géants du numérique, comme l’explique Bruno Patino, auteur d’un essai (1) dédié à cette nouvelle économie, précisant que « les repentis de la Silicon Valley envoient leurs enfants dans des écoles sans écrans ». Il y a effectivement un prix à payer. En livrant nos goûts et nos habitudes de vie aux algorithmes des GAFA, ils s’empressent de devancer, ou plutôt de formater, nos moindres envies à travers leurs recommandations : livres, musique, films, restaurants, marques de céréales ou de pâtée pour chat. Même plus besoin de réfléchir ! Un enfant de 3 ans sait aujourd’hui manipuler un téléphone portable, choisir son programme sur Netflix et conseiller à ses parents d’acheter ce qui lui manque sur internet. Zéro regret, le monde post-moderne est largement préférable à l’ancien, mais il faut savoir l’apprivoiser.


UNE CIVILISATION DOUDOU…
MAIS REDOUTABLE

Confortable, indolore, amicale, la société numérique façonne un monde ultra-soft qui nous ressemble, grâce aux likes que nous semons un peu partout. Normal que l’on se sente si bien dans cette quatrième dimension, aussi artificielle que les intelligences qui prennent le pouvoir. Bien sûr, les adultes ont conscience de scroller parfois un scénario rose bonbon à longueur de stories et prennent de la distance. Mais les enfants ? 84 % des 13-19 ans et 24 % des 7-12 ans (2) possèdent un smartphone. Le temps moyen qu’ils passent sur le web augmente sans cesse : 4h10 par semaine chez les 1-6 ans, 5h40 chez les 7-12 ans, 14h10 chez les 13-19 ans (2).


Plongés dans la grande toile d’araignée des réseaux presque dès la naissance, ils n’ont pas toujours les moyens de résister aux injonctions sociales impitoyables pilotées par les machines. Comment leur donner la possibilité de devenir des humains libres de leurs goûts et de leurs choix, des adultes forts de leur libre arbitre et de leur faculté de décider lucidement ? Quand tout le monde regarde les mêmes séries, achète les mêmes sneakers, prépare les mêmes recettes tendance, difficile d’identifier ses vraies envies.

L’ÉTERNELLE QUESTION DU SENS

Apprendre aux enfants la liberté de penser plus que de dépenser est aujourd’hui un véritable défi pour les parents. Enseigner l’esprit critique devrait être au programme des écoles pour que chaque enfant décode la société contemporaine et acquière son autonomie. Le dessin animé Wall-E sorti sur les écrans de cinéma il y a plus de 10 ans évoquait déjà le spectre, peut-être prémonitoire, d’un monde technologique tout entier tourné vers la consommation et les loisirs : une cage dorée dont les humains avaient perdu la clé. C’est aussi le propos du livre de Michel Desmurget, docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm en France, durement intitulé « La Fabrique du Crétin Digital » (3) qui met en garde sur la consommation d’écrans avant 6 ans et va jusqu’à parler de décérébration ! Pourtant, les contenus numériques représentent un formidable moyen potentiel de se cultiver, d’acquérir des connaissances ou de peaufiner son vocabulaire pour les plus jeunes. Cette ouverture au monde peut se révéler précieuse pour les enfants qui n’ont pas la chance de baigner dans un milieu stimulant intellectuellement. Plus que jamais, le rôle des familles est essentiel pour recentrer l’attention sur des contenus à valeur ajoutée et faire face aux contenus ciblés du marketing de l’enfance. Leurs méthodes toujours plus intrusives s’avèrent redoutables pour plaquer des désirs sur les enfants, qui n’en ont parfois même plus. Existe-t-il quelque chose de plus triste que des enfants sans rêves ? Les parents ont l’énorme responsabilité de leur transmettre le meilleur de l’humanité : la liberté.




Par Anne-Marie Clerc

Illustration : © R. Atlan

 
 
 
 
 
 

1. « La civilisation du poisson rouge. Petit traité sur le marché de l’attention » Grasset 2019.

2. Enquête annuelle Junior Coonect réalisée par Ipsos – Juillet 2018.

3. Éditions du Seuil – Août 2019.

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