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- Interview -

Christian Dior

Couleurs couture

CHRISTIAN DIOR gardera toute sa vie comme un souvenir heureux le rose poudré de sa maison d’enfance à Granville, dont il dira qu’elle est « la plus douce des couleurs, celle de la joie et de la féminité. » Ajoutant que « chaque femme devrait avoir quelque chose de rose dans sa garde-robe ».

Toutes les grandes Maisons de Couture ont leurs tonalités identitaires. Pour Christian Dior, le rose est la couleur du cœur ; le gris celle de l’élégance et du raf nement. Choisi dès 1946 pour habiller la boutique de la rue Montaigne, ce dernier présente l’avantage de sublimer les matières et de révéler toutes les autres nuances. Et celles de sa vie furent riches. Le rouge, couleur fétiche du Maître, grava sa flamboyance dans les gènes de la Maison. Sa puissance inspiratrice en fit, plusieurs décennies plus tard, le thème d’une collection charismatique de John Galliano (Printemps Été 2006). Le bleu, plage de tranquillité personnifiée d’une touche violette, fut également décliné à l’envi par le couturier, de même que le noir, incontournable sous toutes ses formes et surtout, celle de la petite robe. Tandis que le blanc, féerique de simplicité immaculée, s’imposa sous sa plume comme le choix ultime du soir.

Depuis la disparition de Christian Dior en 1957, les créateurs successifs explorèrent les influences chromatiques et artistiques de celui qui donna à la Maison son élan et ses codes. Depuis juillet 2016, c’est sur les ailes de Maria Grazia Chiuri que s’envole l’esprit Dior. Pour sa collection Automne Hiver 2017/18, la nouvelle Directrice Artistique des collections de haute couture, de prêt-à-porter et d’accessoires

féminins déroula le fil bleu cher au couturier sous ses infinies nuances de gris, de nuit, de ciel ; en version robe du soir, denim ou bleu de travail. En septembre dernier, elle explora le lien fort entre la Maison et les artistes à travers son hommage à Niki de Saint-Phalle. A cette femme, figure de l’art contemporain qui habillée des créations de Marc Bohan, tirait à la carabine sur des sacs de couleurs pour les faire exploser ! En préliminaire au dé lé, la question de l’historienne d’art Linda Nochlin « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? » entraîna une déferlante de créativité. Sur fond de cuir, de denim et de pied de poule, les motifs de dinosaures et d’araignées chers à la plasticienne semblaient projetés comme des impacts. Dans l’écrin d’une grotte aux parois incrustées d’éclats de miroirs, érigée dans les jardins du Musée Rodin, il y avait ce jour là de l’audace, de la joie et de la profondeur, tandis que déambulait l’œuvre vivante d’une femme connectée à son époque et à l’âme de la Maison Dior.

Jusqu’au 7 janvier 2018, « Le couturier du rêve » célèbre ses 70 ans au Musée des Arts Décoratifs. Plus de 300 robes de haute couture imaginées par Christian Dior, Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferre, John Galliano, Raf Simons et Maria Grazia Chiuri y sont exposées selon une scénographie fascinante, signée Nathalie Crinière.

Par Michèle Wouters

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