A Michel Reybier Hospitality edition

Par mots-clés

Par numéro de parution

- Interview -

Alexandre Vauthier

Une audace naturelle

Intuitif, vrai, le créateur de haute couture Alexandre Vauthier ne triche pas et à travers sa mode, révèle la femme au plus profond de sa sincérité. Chez lui l’audace n’est pas une posture et encore moins une quête. Elle est juste une évidence.

Votre parcours et votre travail sont un tissu d’audace…

Vous trouvez ? Je me vois surtout comme quelqu’un de précis, obstiné, fou d’esthétisme, qui trace vers l’essentiel, écarte les entraves pour atteindre l’objectif. Mais il est exact que certains de mes choix – comme travailler avec Mugler et Gaultier – furent des mini révoltes culturelles. J’ai beaucoup appris de leurs audaces à eux...

Backstage défilé Haute Couture Alexandre Vauthier

Backstage Haute Couture Automne/Hiver 2015 - 2016, Daria Strokous (Women management). © F. Motwary.

Et votre plus grand acte d’audace à vous, quel est-il ?

Lancer ma propre Maison il y a 7 ans, alors que j’étais confortablement sollicité par une mythique Maison italienne pour m’occuper de ses 2 lignes principales. Quelque chose m’a dit alors que c’était maintenant ou jamais. Je me suis senti prêt. Et j’ai foncé.

Tout s’est joué sur la première collection ?

Oui, j’ai envoyé un croquis à la chanteuse et icône de mode Róisín Murphy, qui est venue défiler pour moi, ce qui m’a amené pas mal de presse et de visibilité. Puis Le Bon Marché m’a demandé de décliner un modèle. Cela m’a tout de suite positionné en ligne de mire des célébrités et sur le marché commercial. Pour le deuxième défilé, Róisín, enceinte, est venue en spectatrice avec son compagnon, directeur artistique de Rihanna. Avec la reine de la soul le coup de foudre fut immédiat. Nous avons beaucoup travaillé ensemble - concerts, vidéos, tapis rouges. Et tout s’est enchaîné…

Rihanna, Madonna, Vanessa Paradis, Sophie Marceau, Monica Bellucci… vos égéries aussi sont des femmes audacieuses.

Tout comme Charlize Theron et Beyoncé, avec lesquelles j’entame de nouvelles collaborations. J’ai la chance inouïe d’habiller des personnalités d’exception assumant des choix de carrières forts et possédant, au-delà de leurs plastiques, des personnalités vraies et profondes, ce qui est rare...

Vous les impliquez dans la création de leurs vêtements ?

Absolument, selon ce qu’elles désirent exprimer nous choisissons ensemble les formes, les couleurs, les matières… c’est une véritable collaboration. Je détesterais qu’elles se sentent déguisées, cachées derrière un style. Je suis là pour elles - pour qu’elles soient encore plus « elles » ; pas pour moi.

Joséphine Le Tutour pour Alexandre Vauthier, Haute Couture 2016

Défilé Haute Couture Eté 2016, Joséphine Le Tutour (Elite). © D. Maitre

Où se nichent vos audaces artistiques ?

Dans la suggestion plutôt que la provocation, qui pour moi est une chose gratuite et fabriquée. Je n’ai pas envie de brusquer les femmes mais de leur offrir une mode qui les respecte. Mes vêtements peuvent se porter de manière discrète et élégante ou ultra sexy. Mon audace est toujours en équilibre sur ce fil.

Quels sont vos codes stylistiques
« Maison » ?

Le noir pour sa profondeur, l’or parce qu’il est son exact contraire chaud et brillant. Et puis les deux se marient tellement bien. Il y a aussi le tailleur structuré qui dessine des lignes visibles chahutées par le flou.

Mais je me force aussi à utiliser des couleurs et matières que je n’aime pas, pour me challenger.

Je suis attiré par ce qui me repousse car j’ai besoin de comprendre mes aversions et de voir si en les apprivoisant, je parviens à me les approprier et à les aimer.

Vous avez des obsessions esthétiques ?

Mon œil fut forgé dès l’enfance par la culture des années 70 et 80, véhiculée par les magazines qui traînaient à la maison et la télévision que je dévorais. Mes premiers chocs cinématographiques, je les dois aux actrices de Chabrol, à l’élégance parisienne d’Yves Saint Laurent, au chic « à la française » de Chanel, au regard décalé de photographes géniaux comme Richard Avedon et Helmut Newton. Le tout mixé à l’américanisation de la société, drainée par les clips et les séries.

Découvrez le défilé Printemps/été 2017 ICI
Par Michèle Wouters

Diplômé d’ESMOD en 1994, Alexandre Vauthier travaille durant 4 ans chez Thierry Mugler, puis 8 ans chez Jean-Paul Gaultier avant de fonder sa propre Maison en 2009. Dès son premier défilé, le succès est immédiat et très vite, il habille les plus grandes stars de la scène mondiale du cinéma et de la chanson comme Rihanna, Madonna, Charlize Theron, Beyoncé… En 2014, il est nommé aux Globes de Cristal dans la catégorie Meilleur Créateur de Mode et sa Maison acquiert l’appellation Haute Couture.

Images


Alexandre Vauthier photographié par Jean-Baptiste Mondino

Backstage Haute Couture Eté 2016, Ysaunny (Elite). © F. Motwary.

Défilé Haute Couture Eté 2016, Ava Mcavoy (Women management). © D. Maitre.

Madonna Album cover, Single Girl Gone Wild
(2012 /Interscope Records). © Mert & Marcus.

Cannes 2015 : Sophie Marceau
©Featureflash Photo Agency / Shutterstock.

Cannes 2013 : Emmanuelle Seigner
© Jaguar PS / Shutterstock.

Las Vegas 2015 : Charlize Theron
© J. Seer / Shutterstock.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedIn
«
»

Articles connexes


Nathalie Obadia

Passionnée d’art depuis l’enfance, Nathalie Obadia est une galeriste comblée par un métier qu’elle aime comme au premier jour. Pour ses artistes, elle ambitionne les plus belles places de la scène artistique internationale.

La photographie de mode

Capturer la mode… Son évolution, ses fastes, ses égéries, ses faiseurs de rêve… Si aux prémices de son histoire son crédo fut montrer pour vendre, la photographie de mode s’est imposée comme art à part entière voire dominant tant les images qu’elle produisit ont envahi le paysage culturel contemporain.

Maurizio Galante

Membre permanent de la Chambre Syndicale de la Haute Couture depuis 2008, Maurizio Galante est aussi créateur de costumes de théâtre, de sculptures, de scénographies, d’objets de design… Artiste avant tout, il multiplie les supports d’expression au gré de ses inspirations.

Carole Talon-Hugon

Professeur à Sorbonne Université et Directrice du Centre Victor Basch de recherches en esthétique et philosophie de l’art. Présidente de la Société Française d’Esthétique. Directrice de publication de la Nouvelle Revue d’Esthétique.


Retrouvez-nous