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La photographie de mode au-delà du cliché

La photographie de mode existe depuis les premiers jours de l’invention de la photographie, mais les débuts sont timides. La discipline n’est alors qu’un passe-temps pour certaines mondaines à l’instar de Virginia Oldoini (nommée La Castiglione) qui passe sous l’objectif d’Adolphe Braun. Difficile de supplanter l’illustration et le dessin qui se font prescripteurs de tendances dans les cahiers et revues de l’époque. Ça n’est qu’au XX^e siècle, sous l’impulsion du couturier Paul Poiret et de l’éditeur visionnaire Lucien Vogel, que des revues telles que la Gazette du Bon Ton et Jardin des Modes font le pari de rapprocher la mode et la photographie. Une nouvelle esthétique voit le jour. Les revues se nomment alors magazines : Vogue, Harper’s Bazaar, Women’s Wear Daily, L’Officiel de la Mode, pour ne citer qu’eux. « La libération du corps des femmes va ensuite placer la photographie au cœur du système de représentation de mode, et sa diffusion de plus en plus massive au sein des revues de mode accompagne un rebond créatif » observe Florence Bourgeois, directrice de la foire d’art internationale Paris Photo. « Certaines de ces photographies, qui avaient une fonction commerciale (cf. Les larmes de Man Ray, 1932, pour le maquillage Cosmecil), vont au fil du temps ou des redécouvertes, devenir des icônes. » Plus contemporains, des photographes comme Irving Penn, Richard Avedon, Helmut Newton font bien plus que shooter des vêtements, ils révolutionnent le genre, (de la nature morte au portrait), en érigeant la photographie de mode au rang d’art.

Une bouffée d’art 

Progressivement, les photographes de mode, ne s’affichent plus seulement dans les magazines spécialisés mais se voient publiés dans de beaux-livres, s’invitent dans des galeries d’art comme Gagosian, Thaddaeus Ropac ou dans les musées. « Les grandes rétrospectives (Guy Bourdin au Jeu de Paume, Irving Penn au Grand Palais…) contribuent à les institutionnaliser au rang d’artiste, et à leur offrir postérité établie ».

Si la photo de mode fraie avec l’art, « c’est qu’elle a cassé les codes de l’époque, mettant en avant la personnalité du modèle pour Irving Penn, se révélant audacieuse, provocante avec Helmut Newton qui en bouleverse les conventions traditionnelles, ou avant-gardistes avec Peter Lindbergh », souligne Florence Bourgeois.

D’une photo, c’est l’atmosphère dont on se souvient, des images parfois théâtralisées, subversives, truffées de symboles comme celles de David LaChapelle, Terry Richardson et Mario Testino. Les cadrages se font novateurs, les prises de vue se veulent convaincantes par leur réalisme et engendrent le désir des collectionneurs. Dans les salles d’enchères, les prix s’envolent pour parfois atteindre des sommes à six chiffres. Même la Covid n’aura pas eu raison d’une vente mythique s’étant déroulée chez Christie’s post confinement. Les férus de mode avaient eu l’occasion de suivre et d’enchérir en ligne sur de précieux tirages des maîtres de la photographie de mode des XX^e et XXI^e siècles. « La photographie de mode attire un public très divers mais il y aussi beaucoup de nostalgiques des années 80s et 90s qui a grandi avec la starisation des « supermodels » comme Cindy Crawford, Naomi Campbell, Elle Macpherson ou Kate Moss, confie Elodie Morel, directrice du département photo chez Christie’s. Pour les amateurs comme les puristes, s’arrêter devant un cliché ou avoir la chance de se l’offrir, c’est vouloir en un centième de seconde piéger l’instant et à la fois l’éternité.

Par Stéphanie Laskar-Reich
Photo © Frank Horvat - Les photographies de Frank Horvat et Peter Lindbergh ont été exposées lors de la dernière Foire Paris Photo 2022.
Nous tenons particulièrement à remercier Paris Photo, Florence Bourgeois directrice de Paris Photo, le Studio Frank Horvat, la galerie Les Douches, Fahey/Klein Gallery et Christine Delterme (Pierre Laporte Communication).