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- Interview -

Nathalie Obadia
"Je suis ambitieuse
pour les artistes que je défends"

Passionnée d’art depuis l’enfance, Nathalie Obadia est une galeriste comblée par un métier qu’elle aime comme au premier jour. Pour ses artistes, elle ambitionne les plus belles places de la scène artistique internationale.

Ce sont vos parents, très amateurs d’art, qui vous ont transmis le virus ?
Absolument, je les ai vus s’émanciper intellectuellement à travers leur passion de l’art contemporain des années soixante. Ils ont acheté des toiles de di Rosa, de Lichtenstein, de Warhol… Durant toutes les vacances scolaires, nous partions à Paris pour visiter les musées et rencontrer les artistes. Dès l’âge de treize ans, j’arpentais seule les galeries de Saint-Germain. J’observais la scène parisienne de l’art contemporain, qui devenait de plus en plus avant-gardiste. Je me nourrissais d’auteurs américains comme Saul Bellow, du cinéma de Fassbinder et de Margarethe von Trotta. J’adorais toute la nouvelle création et je savais déjà que je voulais ouvrir ma propre galerie, être au cœur de l’innovation et des échanges avec les cultures du monde.

À quelle œuvre devez-vous votre premier choc artistique ?
« The Beanery » d’Edward Kienholz, située au musée Stedelijk d’Amsterdam, m’a profondément marquée. Cette œuvre de l’Amérique subversive, représentant un bar reconstitué, m’a fait comprendre ce qu’étaient l’avant-garde et l’art contemporain.

Qu’est-ce qui est le plus important dans votre profession de galeriste : l’œil, le cerveau, l’intuition, les convictions ?
C’est un peu de tout ça. L’œil est exercé par cinquante ans de pratique. Intellectuellement, je suis toujours en alerte. Et auprès des artistes, je m’engage avec force et conviction, dans la durée. J’accompagne Carole Benzaken, Fiona Rae ou Jessica Stockholder depuis presque trente ans. Le long terme permet de construire une carrière, d’être là pour les périodes de haut, de bas, de doutes, de donner confiance, de sentir les moments où il faut exposer et promouvoir les artistes. Il arrive que l’un d’entre eux vende moins à certaines périodes, car le marché peut être engorgé par des tendances ou des modes. Je leur partage alors mon analyse, je les rassure et surtout, je les encourage à garder le cap, à ne jamais être opportuniste. Sur le long terme, les bons artistes restent.

Que préférez-vous dans votre métier, découvrir un talent, convaincre un collectionneur ?
J’aime aller voir travailler les artistes dans leur atelier et je trouve très stimulant de transmettre ma passion et mes choix aux collectionneurs. Je tiens à ce que chaque personne qui pousse la porte de la galerie se sente à l’aise. J’aime prendre le temps d’échanger avec eux, de parler des artistes, de montrer les catalogues. C’est par la qualité d’accompagnement que l’on construit la réputation d’une galerie et la fidélité des collectionneurs.

Comment définissez-vous la signature « Nathalie Obadia » ? 
J’aime les artistes qui ont une pratique authentique et je veux le meilleur pour eux. Je les défends auprès de toutes les personnes influentes : conservateurs de musées, critiques d’art, journalistes, collectionneurs, ministère de la Culture… Je les aide à produire leurs œuvres, à créer leurs cotes, à rejoindre de grands projets comme la Biennale de Venise pour laquelle j’ai notamment accompagné Laure Prouvost pour la France et Sarkis pour la Turquie. Et je n’ai jamais présenté un artiste par opportunisme commercial ou pour des raisons stratégiques.

Le métier a-t-il changé depuis l’ouverture de votre première galerie, en 1993 ? 
Je trouve que nous revenons au cœur du métier. Il y a aujourd’hui tellement de possibilités d’acheter de l’art en ligne ou aux enchères que paradoxalement, les collectionneurs ont besoin de revenir à la maison, à savoir dans les galeries, où ils trouvent le temps, la relation humaine et l’échange.

Début 2021, vous avez investi un deuxième espace parisien rue du Faubourg Saint-Honoré, dans le « triangle d’or » des collectionneurs internationaux…
Paris est en effet revenu sur le devant de la scène et fait partie, avec New York, des places artistiques fondamentales de l’art contemporain. C’est un carrefour entre un marché très actif, de grandes ventes aux enchères, des musées renommés et des fondations privées.

Quel avenir pour l’art ? Et pour la scène française ?
Il y a dans le monde de plus en plus de gens qui s’intéressent et achètent de l’art. Les musées prolifèrent partout, de même que les fondations. Les regards se tournent de plus en plus vers les artistes français dont la cote rejoint celle des anglo-saxons et qui intègrent les grandes galeries et musées internationaux. Tout cela est d’excellent augure !

Propos recueillis par Michèle Wouters

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Nathalie Obadia est Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres, Chevalier de l’Ordre National du Mérite, Chevalier de la Légion d’Honneur, enseignante à Sciences Po Paris et Lauréate 2022 de « 100 FEMMES DE CULTURE ». Ses galeries de Paris et Bruxelles représentent des artistes contemporains de premier plan.



#726, 2005-10/2018-19
© David REED . Acrylique, huile et alkyde sur polyester . 274,3 x 142,2 cm

Peinture de nuages, 2022
© Benoît MAIRE . Huile et peinture en spray sur toile . 248 x 154 x 4 cm

The Octopus Body - In The Softness Of Your Presence, 2022
© Laure PROUVOST . Huile sur toile

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