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- Mode -

Loïc Prigent

Plus vrai que nature

 
 

De Libération à Canal+, jusqu’aux réseaux sociaux, il (dés)habille la mode et lui taille un costume sur mesure qui sied aux écrans. Voilà le crédo du journaliste, documentaliste et cinéaste. Enfant déjà, il raconte « les patriarches de la famille, agriculteurs de métier, faisaient figures de style ». Des champs de sa Bretagne natale jusqu’aux podiums des plus grands défilés, Loïc Prigent a tissé sa toile en cultivant une image naturelle qui a séduit le Fashion Barnum. Interview sans filtres.

La mode au sens large est devenue la première industrie française, devant l’aéronautique ou encore l’automobile. Malgré son poids dans l’économie et les emplois générés, pourquoi certains martèlent un snobisme anti-mode et discréditent ce secteur ?
La mode souffre d’être la mode ! Toutes ses qualités sont ses défauts ! La mode n’est mode que si elle est élitiste, classiste, exclusiviste, pas facile d’être appréciée dans ces cas-là ! Difficile de la plaindre quand de toute façon elle caracole si insolemment !

Ce microcosme très codifié, cette hyper connexion à une autre réalité ne vous effraient pas ?
Ce microcosme m’effraie totalement ! Mais cela fait partie de l’étonnement, de l’intérêt que je lui porte. Mais « l’hyper connexion à une autre réalité » comme vous dites, c’est tout ce qui m’intéresse, si on doit être honnête. La capacité à inventer, à réinventer, à améliorer et peaufiner, la créativité, l’étincelle du renouveau, ce sont des choses qui me fascinent.

Vous distillez depuis déjà plusieurs années les perles les plus drôles, piquantes et irrévérencieuses du monde de la mode. Toutes ont été glanées à la volée dans les coulisses d’un défilé, les couloirs des maisons de couture, dans de grandes agences de communication. Citez-nous les plus iconiques ?
« Elle va au Flore, ça lui donne l’impression de lire. » « Tu crois que je suis à côté de la plaque mais c’est pas toi qui définis où est la plaque. » « C’est pas beige, c’est vapeur. » « C’est pas bleu, c’est paon. » « She’s the president of beautiful people ».

L’une d’entre elles habille l’un de vos ouvrages : « J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste ». Ce titre met-il en relief un sentiment paradoxal que vous entretenez vous-même avec la mode ?
Je ne suis pas l’auteur de cette phrase, mais son côté paradoxal m’a frappé et plu. Je la comprends tout à fait, elle exprime le recul nécessaire pour bien aimer quelque chose !

Instagram est votre nouveau terrain de jeu. Cette application devenue medium détient un pouvoir visuel incontestable dans la création et l’univers du luxe. Au point même d’avoir relégué la presse papier au second rang. Quelle est votre analyse sur ce phénomène et sur cette ambivalence qui taraude beaucoup le milieu : influenceurs VS les journalistes de mode ?
Instagram a changé jusque l’attitude du premier rang, qui auparavant n’aurait jamais supporté être vu en train de dégainer un appareil photo ou pire un téléphone pendant le défilé. Les attitudes du premier rang n’avaient jamais bougé d’un cil depuis l’invention du premier rang donc c’est remarquable. Les réseaux sociaux sont une addiction visuelle. Leur émergence a changé la façon de vendre des vêtements, de vendre de l’art contemporain, des lieux de tourisme, des musées.

On observe une vogue des shows TV dans la mode. Vous en avez été le précurseur. L’image s’est-elle transformée en emphase culturelle ?
Les défilés se déversent sur les réseaux sociaux souvent sans explication, avec une surenchère d’effets spéciaux, de lieux étonnants. La mode est très vue, mais peu décortiquées et il y a souvent l’impression d’assister à un très beau match de foot dont on ne connait ni les règles ni les joueurs, d’où l’intérêt de documentaires ou d’émissions ou de vidéos qui vous décortiquent tout cela et vous expliquent les règles et vous identifient les joueurs !

« La Nature » est la thématique de ce numéro. Quelle place occupe-t-elle dans la mode ? Diriez-vous que la mode durable est une utopie ou arrive-t-on progressivement à un éveil des consciences sur l’impact des questions environnementales ?
La mode est l’industrie la plus polluante, elle l’a réalisé et commence à mettre en chantier les changements nécessaires. Nous qui la consommons pouvons aussi faire évoluer nos attitudes, en achetant sans doute moins, mais aussi en lavant différemment, sans faire une lessive pour une chemise et en utilisant des produits de lavage moins abrasifs pour la Nature.

Soyons prospectifs et voyageons dans le futur. La mode et ses codes en 2050 selon Loïc Prigent ?
Ce sera pile le revival de 2021, donc ne jetez rien ! Et tout sera rose.


Propos recueillis par Stéphanie Laskar-Reich
Photo © T. de Preester



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