La Réserve Magazine Rethinking Luxury

Quelle est votre définition de l’audace ?

L’audace c’est le courage de se tromper, de ne pas avoir peur de l’échec. Quand on ose, on sait que l’on peut perdre, alors oser c’est braver tout cela et faire preuve d’audace !

Quel est l’acte le plus audacieux que vous ayez fait en dehors de votre parcours professionnel ?

Dans les années 1968, je n’avais pas 20 ans, j’étais épris de liberté et d’un certain esprit de rébellion. J’ai cessé les études et me suis installé en communauté. Pour survivre, je déchargeais les trains postaux la nuit en gare de Lausanne au grand dam de mes parents qui me voyaient un autre avenir. Puis un jour j’ai fait preuve d’audace, dans l’autre sens, en reprenant des études et en montrant que l’on pouvait avoir les cheveux longs et des chemises à fleurs et réussir, ce que j’ai fait !

Quel est l’acte le plus audacieux que vous ayez fait dans le monde de l’horlogerie ?

C’est le dernier acte ! Alors que je pouvais prendre ma retraite et partir fier du devoir accompli, j’ai tout remis sur la table en acceptant le poste de Président de la division montre du groupe LVMH en 2014. On sait que le dernier acte est celui qui compte le plus. Si je ne réussis pas on oubliera toutes mes réalisations préalables. Si pour l’heure les choses sont en bonne voie, je ne suis pas encore au bout, il me reste à faire. Certains penseront qu’avoir racheté Blancpain en 1982 pour 18 000 € était plus audacieux, mais en aucun cas, car à ce moment-là, j’avais toute la vie devant moi pour me refaire si je me « plantais ». Là, ce n’est plus la même chose, j’ai 42 ans de carrière derrière moi !

Quel homme est le plus audacieux à vos yeux ?

Bernard Arnault, mon patron, qui, pas à pas, a construit le plus grand groupe de luxe au monde, LVMH. Il y a 30 ans il a eu l’audace de croire dans le vin, dans les champagnes alors que l’image n’était pas celle d’aujourd’hui. Le luxe à la française, c’est lui et de l’audace pour en arriver là, il lui en a fallu !

Que vous reste-t-il d’audacieux à faire ?

À mourir ! Mais à mourir sereinement avec la certitude du devoir accompli. Mourir en sachant que j’ai tout redonné ce que j’ai reçu, l’amour, les expériences, le savoir, les succès.

Propos recueillis par Valérie Blanc

Bio express

Jean-Claude Biver est luxembourgeois. Arrivé en suisse à l’âge de 10 ans, hautement diplômé d’une école commerciale, c’est chez Audemars Piguet qu’il démarre sa carrière au marketing et à la vente puis chez Omega. Passionné de l’univers horloger, il achète sa propre Maison en 1982, Blancpain, alors en sommeil depuis plus de 20 ans. Par ses acquis professionnels, il la réveille, la fait grandir jusqu’à la céder au groupe Swatch qu’il intègre, par la même occasion, en 1992. De retour chez Omega, il insuffle un vent nouveau à grand renfort de people. Résultat ? La marque explose ! Homme de challenge le voici en 2004 en tant que CEO de celle qui n’est alors qu’une « petite » maison horlogère, Hublot. Il y fait un « big bang » avec un chronographe homonyme qui propulse la marque vers les plus hautes récompenses et toute la notoriété qui va avec ! En 2008, Hublot la « grande » est vendue au groupe LVMH pour autant Jean-Claude Biver reste à sa tête. Il prend encore un galon supplémentaire en 2014 en étant nommé Président de la division montre du groupe LVMH.