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La rhétorique
ou l’excellence du langage sur les esprits

Art d’éloquence et ou de persuasion, la rhétorique se discute autant qu’elle fascine. ALEXANDRE MOTULSKY-FALARDEAU, écrivain et spécialiste du sujet, relate les vertus de cette discipline séculaire plus que jamais présente dans notre quotidien.

Remontons un peu le fil de l’histoire. Comment est née la rhétorique, qui en sont les figures emblématiques ?
La rhétorique remonte à la Grèce antique en Sicile (alors colonie grecque) vers 465 avant J.C. et prend sa source dans un conflit judiciaire. En réaction à la tyrannie de despotes qui expropriaient le peuple de leurs biens, les citoyens eurent à faire valoir leurs droits face à des jurys populaires. Là est apparu un art de la persuasion et de l’argumentation juridique impulsé par les philosophes Empédocle, Corax et Tisias qui mirent au point un recueil de conseils destiné à persuader l’auditoire et venir en aide aux justiciables. D’autres rhéteurs et professeurs itinérants connus sous le nom de sophistes tels que Socrate, Protagoras, Gorgias vont utiliser l’art de persuader, de débattre, de discuter pour remettre en question les idées reçues. Contre les sophistes, Platon (428 av. J.-C.) oppose la vérité comme objet et but de la rhétorique à travers la dialectique. Son élève, Aristote (384 av. J.-C.) va développer le système rhétorique en rassemblant l’ensemble des techniques oratoires comme une science de l’Art Oratoire.


Un éclairage sur le triptyque constituant l’art de la persuasion ?
Aristote a érigé les rouages de l’argumentation autour de trois notions centrales :
L’Ethos (crédibilité) : faisant référence au caractère, à la prestance, l’éthique et à la force de conviction de l’orateur destinés à produire une impression favorable sur son public en soutenant sa réputation, donc sa légitimité et sa crédibilité. Le ton et le style du message en seront la clé.
Le Pathos (émotion) : centré sur l’auditoire vise à séduire en faisant appel à l’émotion, à l’empathie et aux croyances profondes de ceux qui écoutent. Il s’agit ici de solliciter l’imaginaire du public pour les attirer dans le sujet.
Le Logos (logique) : définit le discours apte à persuader en utilisant la logique, le raisonnement, la preuve et les faits pour soutenir un argument et fait appel au côté le plus rationnel de l’esprit du public.


Quels sont les cinq canons de la rhétorique ?
Selon une méthodologie mise en place par les philosophes grecs et romains, cinq canons composent la mise en œuvre de la rhétorique :
L’invention (« Inventio ») : vise à trouver des arguments, des idées et des procédés pour convaincre.
La disposition (« Dispositio ») : désigne la mise en ordre efficace des arguments dans l’intervention et le discours respectant une progression logique pour une persuasion maximale. On pourrait résumer ça à introduction, développement, conclusion.
L’élocution (« Elocutio ») : c’est l’art de trouver des mots qui mettent en valeur un discours ou des écrits à travers des figures de style, la syntaxe et l’utilisation des images (métaphores, comparaisons). C’est ce que nous appelons aujourd’hui « le style ».

L’action (« actio ») : s’attache à la mise en scène à travers la gestuelle, la diction, et la prononciation afin d’incarner sa parole de manière éloquente. Elle est essentielle pour rendre le discours vivant, susciter et maintenir l’attention de l’auditoire.
La mémoire (« Memoria ») : brigue les procédés pour mémoriser son discours en s’aidant de moyens mnémotechniques.


Au cours de son histoire la rhétorique a connu une tension entre deux conceptions antagonistes : art de persuasion ou art d’éloquence. Pouvez-vous nous livrer votre analyse ?

Historiquement la rhétorique telle qu’elle fut pratiquée par les grecs visait principalement à persuader. Puis dans l’antiquité romaine, se fait jour une nouvelle conception comme art de bien dire « bene dicendi scientia » (impulsée par Quintilien et Cicéron), notion qui renvoie à la stylistique et l’éloquence. Descartes aura quant à lui une vision plus cartésienne qui rappelle les pensées de Platon conduisant à la recherche de la vérité


Quels conseils pourriez-vous donner afin de trouver son style ?

Il faut apprendre à se connaître pour être capable d’être reconnu mais aussi être à l’écoute des autres. Être éloquent et réussir à capter l’attention passe par la culture. Il n’y a pas de secret : il faut lire les grands penseurs, la littérature, les journaux, regarder les grands films, les documentaires, écouter de la musique, voir des expositions… Lorsqu’on regarde, que l’on écoute et que l’on s’intéresse à l’humain dans son histoire et sa psychologie, on acquiert une sens de la repartie afin d’être à propos (c’est ce qu’on appelle le kairos). Cela réclame de l’imagination, de la finesse, de l’intuition et de la pratique, toutes qualités qui rendent remarquables les grands orateurs et les fins stratèges.


Des ouvrages incontournables ou des formations pour apprendre la rhétorique ?

Peu de formations existent. Généralement les professeurs enseignent cette discipline dans les universités et proposent de la mettre en pratique lors des concours d’éloquence. Pour s’imprégner des fondements, quelques ouvrages restent des incontournables comme : Introduction à la rhétorique d’Olivier Reboul ou L’Art d’avoir toujours raison de Schopenhauer, utile aux businessmans et figures politiques. J’invite aussi à découvrir La rhétorique aujourd’hui, que je viens de publier et qui retrace les principes de l’argumentation dans notre société régie par la communication, la publicité et les médias.
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À lire : La rhétorique aujourd'hui, Alexandre Motulsky-Falardeau, Presses Université Laval.

Propos recueillis par Stéphanie Laskar

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