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- Interview -

Xavier Romatet

Immersion DANS LA Média sphère

 
 

Si nous accueillons Xavier Romatet dans ce numéro dédié à l’authenticité, ce n’est pas le fruit du hasard... Celui qui fut à la tête de Condé Nast France durant douze ans, confirme son leadership dans le secteur de la presse. Il pourrait prendre la tête du futur groupement en projet formé par Lagardère, Mondadori et le Groupe Marie Claire. Alors que les industries du luxe et des médias affrontent des restructurations nécessaires face à l’évolution de la société, il nous fait part de son expertise entre savoir-faire et faire savoir. Rencontre…

 
 

Selon vous l’authenticité c’est… ?
L’authenticité c’est la noblesse de l’attitude, du comportement et des sentiments, qui doivent refléter l’impression que l’on a d’un lieu, d’un moment ou de gens avec lesquels on est en relation. Ce n’est pas d’exprimer ce qui est vrai, juste ou beau, c’est une attitude dont on mesure la réalité grâce au ressenti, car le non-dit est aussi fort que le dit. Il y a une grande différence entre l’authenticité et la transparence. Ce sont deux notions qui sont parfois totalement antinomiques. La transparence vise dit-on à ne rien cacher, et tout montrer c’est exactement le contraire de l’authenticité.

Les médias se sont métamorphosés en marques médias. À l’ère de toutes les mutations, comment le métier de journaliste et les business models se réinventent-ils ?
On change d’ère et donc de métier. Les éditeurs ne sont plus uniquement des publishers mais bel et bien des conteurs d’histoires, produisant du contenu à forte valeur ajoutée. Cela se traduit par la qualité de la narration, de la création et de l’exécution. Aujourd’hui, la mission est de gagner la bataille de l’attention. D’une part parce que les usages ont changé et se sont démultipliés, d’autre part parce que l’accès au contenu est permanent et protéiforme (textes, photos, vidéos, audios). Dans un monde totalement interconnecté, les journalistes doivent comprendre cette transition majeure des usages tout en s’adaptant aux multiplateformes. Ce qui est essentiel, c’est leur mobilité intellectuelle et leur capacité à se mouvoir dans des univers qui jadis étaient totalement cloisonnés (avec le schéma : médias, annonceurs, diffuseurs), et qui dorénavant sont totalement intégrés.


Les nouvelles technologies, dont l’essor ne se dément pas, continuent de remodeler nos sociétés et de faire évoluer nos modes de production, de consommation et de communication. Quels sont les enjeux pour l’univers des médias et pour l’industrie du luxe ?
La technologie modifie les usages et a plusieurs conséquences. Elle nous impose la notion de « client-centric », car c’est le consommateur qui reprend le contrôle et peut changer la donne en un clic. Autrefois, nous étions assujettis au concept de « brand-centric » plaçant la marque au centre. Il faut donc avoir une démarche équilibrée entre les deux. D’autres objectifs se profilent, exigeant un rééquilibrage entre l’offre et la

demande, mais aussi une mise en exergue de l’exclusivité du produit et de la distribution. Le rapport au temps et au lieu se restructure. De nos jours, l’accès à l’information est si rapide qu’on s’use plus vite qu’auparavant. Il faut donc renouveler le désir par l’accélération de la création. L’interaction entre le magasin et le digital est à la portée du client qui garde au fond un comportement hybride. Le numérique n’est qu’une prolongation de l’expérience physique chez soi.

Quelles sont les clés pour séduire durablement la nouvelle génération des millennials ?
Cette génération ultraconnectée ne croit plus les diktats du marketing, notamment dans le luxe. Les millennials se sont détournés de cette démarche de possession, de nouveauté et cette surenchère permanente de produit en chassant un autre. À force d’avoir surexposés et survalorisés les produits, on a gommé les différences. Or ce sont les différences qui créent la préférence. Pour se reconnecter à ce public, il faut revenir à un discours empreint d’humilité, de sincérité et de générosité. L’idée est de retrouver un ton, des mots, des codes, des langages étant ceux de la vie des gens, n’étant ni imposés par les marques, ni par le marketing. Désormais, le luxe doit séduire, faire rêver et créer l’envie, non plus par excès mais par authenticité.

Vous passez votre présent à écrire l’histoire de demain. Vos prochains défis professionnels et personnels ?
Deux choses sont importantes : la passion d’exercer mon métier, et convaincre mes équipes de ne pas avoir peur, mais au contraire d’oser inventer. Outre le fait d’avoir compris les nouveaux enjeux et paradigmes, l’une des clés de demain pour ceux qui réussiront, c’est accepter de prendre le risque de se tromper. Le monde des médias est traversé par une mutation structurelle et mondiale très forte, qui nous oblige à des transformations de business models importantes. Cette révolution n’est pas une crise de supports mais de contenus, voire l’addition des deux. En choisissant le pari de l’audace, de la différence et de la créativité, les médias doivent se battre pour redonner sa noblesse à la valeur de l’information, des mots, des images, et générer de nouveaux revenus grâce à un modèle post-advertising.

Propos recueillis par Stéphanie Laskar

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