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Interview

Science-fiction

Dans un monde accéléré où les prédictions sont devenues obsolètes, le futur ne peut plus se déduire. Il faut l’imaginer. Alors que l’innovation bouscule notre quotidien, quels seront les défis de demain ? Où en serons-nous dans 10 ans, 20 ans, 50 ans ? Le voyage se fait en compagnie de Julien Tauvel, designer d’expériences à l’origine du studio de création et prospective Imprudence.

Votre cœur de métier est une inspiration continue entre réalité et science-fiction. Il faut avoir du sens dans les idées et pousser les limites de la créativité afin de bousculer l’imaginaire. Quel est votre secret ?
Si la curiosité est évidemment la clé, c’est l’envie qui est mon moteur principal. L’envie de me faire surprendre, l’envie d’émerveillement, l’envie de changer les imaginaires pessimistes et technologiques dans lesquels nous sommes enfermés. Il faut regarder où les autres ne regardent pas ou peu : dans les centres de recherches expérimentaux, dans les lieux de création d’avant-garde, chez les designers spéculatifs, dans la science-fiction d’hier et d’aujourd’hui. Se confronter aux marges, à l’inconnu et à l’altérité, tel est le cœur de notre métier.

Faisons le grand saut dans votre imaginaire justement. Pouvez-vous nous dévoiler un dispositif immersif qui permettra de se projeter dans trois hypothèses du monde en 2030, 2050 et 2070 ?
Commençons par 2030. Comment vivrons-nous dans un monde où réalités augmentée et virtuelle dominent ? Des lieux magiques apparaitront devant nos yeux, nos vêtements physiques deviendront supports de projections d’expériences et les visages seront ceux de nos avatars. L’information sera spatialisée et personnalisée, la technologie sera invisible, la différence entre réel et virtuel ne se posera plus, l’immatérialité sera la norme.  Après ce monde d’immersion, place en 2050 à un monde totalement connecté et autonome. Un monde où une intelligence artificielle prédictive nous aidera à rester en bonne santé en permanence, où nous pourrons imprimer à la demande des objets en biomatériaux, et où nous pourrons changer de couleurs de cheveux ou d’yeux en une édition génétique faite à la maison. Un monde où le smartphone n’a plus lieu d’être, remplacé par un internet ambiant et des objets connectés enfin intelligents. Dans cet imaginaire, l’humain est entré dans une véritable société du loisir, avec des robots s’attachant aux tâches « productives ». Et si en 2070, nous retournions cette idéologie très (trop) confiante dans les progrès technologiques ? Et si en 2070, nous retournions à la nature ? La blockchain nous aura permis de mesurer nos impacts sur la planète et de prendre la mesure de nos actions collectives. La monnaie telle que nous la connaissons sera alors un lointain souvenir, remplacée par des tokens* calculés selon nos (bonnes) actions. Les nouveaux matériaux programmables feront des villes des poumons dépolluants et de nos vêtements des « wearables » (objets connectés ou intelligents qui se portent sur soi) nous dotant de nouveaux sens. La durabilité et la créativité auront remplacé le culte de la performance. C’est en tout cas ce qui pourra arriver si nous ne détruisons pas notre terre avant, ou si nous ne décidons pas d’un exil sur d’autres planètes.

Vous avez récemment fait une étude sur le sujet. Dévoilez-nous l’évolution et les états futurs de la beauté ?
Le futur de la beauté est je l’espère pluriel. La beauté se fera holistique, s’hybridant avec la santé. Personnalisée et à la demande, elle interrogera le rapport à mon corps et aux canons. Pour intégrer de nouveau le plaisir, se décomplexer, casser les derniers tabous de genres, de couleurs, de fluides. La beauté de demain me permettra alors toutes les fantaisies, dans le monde réel et le monde virtuel. Elle s’inventera à la maison, avec mes pairs, avec mes communautés.

Et l’hôtellerie de luxe ?
Il est intéressant de confronter le futur de l’hôtellerie aux technologies disruptives de ces dix prochaines années. Quid de l’hôtel de luxe dans un monde virtuel, où je peux tout imaginer, tout construire et bientôt tout ressentir avec des technologies haptiques ? L’hôtel de luxe deviendra-t-il un lieu de retraite luddite (loin de toute technologie) au plus proche des merveilles naturelles ? Si l’intelligence artificielle tient ses promesses (et c’est plutôt mal parti), et que Siri est mon butler, que proposeront comme services exclusifs et personnalisés les hôtels de luxe qui n’auront pas accès à ces données ? Et s’ils proposaient des expériences habituellement inaccessibles, et si plutôt que de chercher à tout prix à me satisfaire, ils cherchaient à m’émerveiller et me surprendre ? Comme la dernière création de Thierry Teyssier, 700’000 heures. Ce n’est qu’un exemple. Ce que j’espère, c’est que l’hôtellerie de luxe invente de nouvelles manières de vivre une destination et ouvre de nouveaux horizons, durables, sensoriels, merveilleux.

*Mot anglais signifiant jeton. En informatique, cet anglicisme est utilisé pour désigner un actif numérique, un identificateur, ou un jeton d’authentification qui s’appuie sur une blockchain existante.

www.imprudence.fr

Propos recueillis par Stéphanie Laskar

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