Derrière l’espérance joyeuse de la couleur affleure un monde dont on ne contrôle ni les vibrations, ni la complexité, ni les nuages, ni les menaces. On le voudrait beau comme un drapeau gonflé d’optimisme qui danse dans le vent, comme le soleil de midi avant l’orage du soir. Mais on le prend tel qu’il est, en pleine face, dans toute la force de ses contrastes.
Artiste au parcours singulier, Sophie Delaporte s’engage dans des études de mathématiques avant de rejoindre la prestigieuse école parisienne Louis Lumière, puis travaille avec Jean-Paul Gauthier, Balenciaga, le magazine Vogue… « En tant que femme photographe, j’avais à cœur de libérer les mannequins de leur statut de modèle. Je voulais les faire bouger, danser avec leurs vêtements » insiste-t-elle. Il en ressort des images presque picturales, aquarellées. Miracle pour celle qui s’est longtemps et secrètement rêvée peintre !
Sophie Delaporte poursuit l’expérimentation artistique, décloisonnant les univers, se servant de la photo, de l’installation ou de la vidéo comme supports de son imaginaire. Elle se vit créatrice d’images poétiques, organiques et subversives. Ses installations de textiles, de plastiques ou de papiers découpés brandissent la menace d’un monde fabriqué qui défie la fragilité du réel. Les humeurs tranchées des couleurs criardes et des pigments chimiques s’hybrident à la mélancolie subtile de la nature. Exposées aux assauts des éléments tels que l’eau, l’air, le ciel, les œuvres prennent vie, se transforment, naissent de l’imprévisible poésie de l’instant.
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Par Michèle Wouters
© Sophie Delaporte - Ephemeral Blue Partial Color Studies, 2019