- Art & création -
Céline Fribourg
La belle édition,
tout un art
Les éditions Take5 mettent du cœur et de l’art à l’ouvrage. En émergent des livres d’artistes qui s’approchent davantage d’une œuvre d’art que du simple livre et où se rencontrent la photographie, l’écriture, le graphisme et le design. Au détour de ces lignes, Céline Fribourg leur créatrice, expose les particularités de ce médium d’expression multidisciplinaire où débattent les arts.
« Tout, au monde, existe pour aboutir à un livre ». Cette citation de Stéphane Mallarmé est le préambule de votre ligne éditoriale. Les éditions Take5 que vous avez fondées, ont été créées dans le but de poursuivre la publication de livres d’artistes. Racontez-nous cette épopée.
Je me passionne pour le medium du livre depuis l’enfance, et avec le recul il me semble que mon parcours de vie m’a naturellement menée à l’édition d’art. Après des études à Sciences Po, l’histoire de l’art à la Sorbonne et un mastère dans l’édition, j’ai déménagé à New York. En travaillant un an chez Independent Curators, j’ai participé à l’organisation d’expositions d’art dans les musées et ai fait la connaissance de nombreux artistes. Puis nous avons créé avec deux amis d’enfance, les éditions Coromandel, afin de concevoir les livres d’artistes dont nous rêvions, en associant des écrivains et des artistes vivants. Nous avons publié dix années durant une quinzaine de livres, qui ont connu un certain succès auprès des collectionneurs mais aussi des musées et des institutions. Mes associés ont dû changer d’activité pour des raisons personnelles et j’ai recommencé seule cette activité, à partir de Genève, en créant les éditions Take5.
Pourquoi ce nom ?
Le nom des éditions Take5 invite à « prendre cinq minutes » pour découvrir le livre. Dans un contexte où l’homme semble de plus en plus pressé, le format à échelle humaine du livre invite à arrêter le temps pour se laisser découvrir. J’aime beaucoup cet aspect intimiste, à contre-courant d’une époque qui nous bombarde sans cesse d’images. Le chiffre cinq a une valeur symbolique qui correspond à l’essence humaniste de l’esprit des éditions Take5, puisqu’il évoque à la fois les cinq continents, les cinq sens, l’homme vitruvien de Léonard de Vinci, ou la quintessence.
Chaque livre est unique par son format, sa typographie, ses matériaux, ses techniques d’impression choisies, et son tirage limité. Vous dites vous-même : « qu’il n’est pas un livre d’art ou un livre sur l’art, il est œuvre d’art »…
Les livres des éditions Take5 sont des éditions très limitées (une trentaine d’exemplaires seulement). Ils réunissent des tirages photographiques originaux signés, des textes inédits. Une grande ouverture éditoriale est recherchée à travers la diversité des courants artistiques (plasticiens, reporters, vidéastes ou cinéastes) et des textes représentés (nouvelle littéraire, article scientifique, intrigue policière, poésie…). Les graphistes explorent à l’infini les idées les plus innovantes. Les boitiers des livres sont conçus non comme des étuis, mais comme des sculptures, qui représentent la « peau » de l’ouvrage, en symbiose avec son contenu. Sont mises à l’honneur les techniques artisanales ancestrales tout comme les procédés les plus novateurs et avant-gardistes. Les livres figurent dans les collections d’importants musées à travers le monde, comme le MoMA, le Centre Pompidou ou la Fondation Bodmer.
Le choix éditorial de Take5 consiste à proposer des associations originales entre artistes et écrivains venant d’horizons culturels ou sociologiques complètement différents mais ayant des sensibilités communes. Comment naît cette alchimie entre vous et les artistes ?
J’ai créé les éditions Take5 pour matérialiser au sein de livres d’abord rêvés avec passion des collaborations inédites entre les plus grands talents contemporains, en matière d’art, de littérature, de design et de graphisme. J’invite artistes, écrivains, scientifiques et designers à participer à cette aventure éditoriale avec la conviction que les liens que nous tissons entre les différentes œuvres enrichissent nos univers respectifs tout comme ceux des lecteurs. Chaque projet est longuement mûri et approfondi, chacun des intervenants participe activement à la réalisation du livre. Réunir dans un même projet des parcours de vie différents, fédérer des sensibilités convergentes pour créer une nouvelle œuvre fait partie du pari humaniste des éditions Take5. Chaque ouvrage est une invitation renouvelée à découvrir un nouvel univers collectif, la représentation scénique d’une collaboration vivante et inédite. À chaque projet, l’alchimie qui opère entre les différents participants est étonnante.
Le livre d’artiste est une forme récente de création où l’artiste utilise le support du livre pour produire une œuvre à part entière. Pensez-vous qu’il implique une réflexion critique sur la place que l’art occupe – ou qu’il pourrait occuper – dans l’espace social ?
De nombreux artistes à travers l’histoire de l’art ont construit leur œuvre sur la base de publications. Tous les artistes avec lesquels j’ai collaboré sont très attachés au livre, et collectionnent les livres. L’art, au-delà de l’émotion esthétique qu’il suscite, nous permet de nous interroger en profondeur sur le monde. Les réseaux sociaux ont contribué à la démocratisation de l’art, mais aussi à sa marchandisation. Le livre, en ce qu’il reste un espace intime qui se découvre doucement, parvient peut-être plus facilement à préserver sa magie. Il est pour cela pour moi le vecteur le plus approprié à cet élargissement de conscience.
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Propos recueillis par Stéphanie Laskar-Reich
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