Une autre forme d’intelligence
Derrière le flash d’illumination caractéristique d’une intuition, se cache en réalité un autre cheminement cérébral. Comme le disait le dramaturge Henry Bernstein «l’intuition c’est l’intelligence qui a commis un excès de vitesse». Une jolie formule explicitée par Christophe Haag, chercheur en psychologie sociale à l’EM Lyon. L’intuition ressemble à «une sorte de scan ultra-rapide d’une situation ou d’un problème donné à partir de bribes d’informations sensorielles». Ce circuit court se met en marche automatiquement à notre insu et en dehors de tout raisonnement rationnel classique type analyse, logique, déduction, conclusions… En réalité, le cerveau a collecté en un éclair une masse de détails épars et les a assemblés pour se forger une opinion, une intuition.
Les dendrites, relais de l’information vers le cerveau. © Inserm / S. Fouquet.
Les raisons de l’intuition
D’après les conclusions d’une équipe de chercheurs en sciences cognitives du Riken Brain Science Institute au Japon, ce n’est pas la chance qui sourit aux audacieux mais plutôt leur intuition. Fin 2015, ils ont établi pour la première fois que l’intuition activait deux zones du cerveau impliquées dans l’apprentissage et la mémoire. L’étude a consisté à placer des joueurs d’échecs japonais sous IRM fonctionnelle en leur présentant des situations de jeu. Quand on leur demande d’imaginer le prochain coup idéal en huit secondes, leur cerveau active le mode analytique classique, basé sur l’expertise. Mais s’ils n’ont qu’une seconde, ils passent en mode intuitif et l’imagerie médicale montre qu’une autre zone cérébrale est activée. La décision est alors basée sur l’expérience : le cerveau fouille le passé pour trouver une solution en se référant à des contextes proches. Ce mode intuitif est privilégié pour la prise de décision dans les situations de crise où l’on n’a pas le temps de raisonner ! Mais pas seulement : 82 prix Nobel sur 93 ont reconnu que leurs découvertes avaient été faites grâce à l’intuition…
Pièces de shôgi. © F. Osmont Fédération Française de Shôgi.
L’audace du cerveau droit
Einstein qualifiait le cerveau gauche de «serviteur fidèle» et le droit de «don sacré». On vous laisse deviner où se situe l’intuition… Totalement réhabilitée, l’intelligence intuitive bien apprivoisée peut être une grande force, surtout si elle est conjuguée à une bonne capacité d’analyse rationnelle. Les audacieux qui réussissent ont su écouter leurs intuitions, leur gut feeling comme disent les Anglo-Saxons, cette intime conviction qui vous pousse à aller au bout de vos idées contre vents et marées.
Mozart entendait la musique avant de l’écrire, Steve Jobs pensait que «l’intuition était plus puissante que l’intellect».
La théorie du Dr Folkman pour stopper l’évolution des tumeurs cancéreuses en les privant de nourriture sanguine lui a valu les moqueries de toute la communauté scientifique. Il s’est accroché à ses intuitions et à sa vision. Résultat, le premier traitement anti-angiogenèse a été administré en 2004. Une révolution dans la lutte contre le cancer à l’époque. Alors, n’hésitons pas à écouter notre 6e sens, cette petite voix intérieure qui a si souvent raison…
*F.Marton, P.Fensham, P.J & Chalklin S (1994)
A Nobel’s eye view of scientific intuition: discussions with the Nobel prize-winners in physics, chemistry and medicine (1970-86).
