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- Art & Création -

David Foenkinos

« Écrire est une liberté sans limite »

 
 

D’une plume légère, acérée, élégante, DAVID FOENKINOS glisse sur le fil des paradoxes de l’âme humaine et de la gravité universelle, sans jamais subir l’apesanteur.

L’écriture n’est-elle pas la plus libre des formes d’expression artistique ? Devant sa page blanche ou son écran, pas de contrainte et donc, pas de limite à l’imagination ?
Vous avez tout à fait raison ! Surtout que je suis aussi réalisateur, et je connais l’expression qui implique des dizaines de personnes. C’est toujours des montagnes à soulever. Alors qu’écrire ne nécessite rien. C’est une liberté qui n’a aucune limite. C’est d’ailleurs souvent une sorte de monde parallèle, dans lequel on se réfugie.

Paradoxalement, il semble que ce goût et cette liberté d’inventer vous soient venus à un moment où vous étiez « emprisonné » dans votre corps, dans une chambre d’hôpital, à l’âge de 16 ans. Écrire fut alors une échappatoire libératoire ?
Je n’étais pas du tout issu d’un milieu culturel. Quand je suis tombé gravement malade à l’âge de 16 ans, et que j’ai passé des mois à l’hôpital, les livres m’ont alors accompagné et même sauvé. Je pouvais m’échapper par les mots. Et la proximité de la mort m’a aussi rendu plus sensible, plus enclin à être touché par la beauté des phrases. Tous les gens malades connaissent cette aspiration vers la beauté ou la sensualité, ou simplement ce besoin d’aller à l’essentiel de ce qui nous touche.

Que ressentez-vous devant la page blanche qui contient tous les possibles ? Une sensation de pouvoir, de vertige, d’euphorie, d’angoisse ?
Un peu tout ça. Et cela dépend des périodes. Depuis un an, je n’écris plus, et j’en n’en n’éprouve pas la moindre angoisse. Au contraire, c’est assez étrange, mais je prends beaucoup de plaisir à ne pas écrire. C’est parfois une tyrannie, un roman !

Dans quel rôle vous sentez-vous le plus libre, celui d’auteur de « La délicatesse », ou de réalisateur du même roman ?
Dans celui d’auteur, c’est certain. Car il y beaucoup de contraintes au cinéma : le temps, l’argent… Mais ce qui est merveilleux, c’est le collectif. Pour ce film par exemple, c’était magique de voir Audrey Tautou incarner Nathalie, créer à sa façon le personnage. C’est impressionnant de voir une telle actrice jouer.


La solitude de l’écrivain est-elle une liberté supplémentaire ? Vous êtes maître de votre organisation, de votre inspiration, de votre rythme… ce qui n’est pas le cas du metteur en scène ou du musicien, qui lui, compose avec une équipe ?
J’aime alterner les périodes de vie. Les solitaires et les collectives. C’est une chance de faire des allers-retours entre ces deux sensations. J’aime rester des mois dans la solitude de l’écriture d’un roman, et c’est très plaisant, après, de pouvoir voyager pour rencontrer les lecteurs.

L’accueil très positif du public vis-à-vis de vos romans vous rend-il plus confiant, plus libre ?
Non, je ne pense pas. J’ai gagné une grande autonomie de vie, et ça, je sais à quel point c’est une chance. Mais pour moi, rien n’est acquis. J’ai toujours le sentiment que je dois prouver quelque chose.

Comment travaillez-vous ? Avez-vous des rituels particuliers, des horaires fixes ?
J’adore écrire dans les trains, ou quand je voyage. Mais j’ai le sentiment qu’un roman ne se limite pas aux horaires de travail. Il est toujours en mouvement dans la tête. C’est comme un adultère incessant à soi-même.

Quel lecteur êtes-vous ? À quels types de livres ou d’écrivains êtes-vous sensible ?
Je lis énormément. J’ai toujours besoin d’avoir des livres près de moi. Il y a mes auteurs de chevet, de Philip Roth à Milan Kundera, mais je suis aussi très sensible à la littérature contemporaine. Je lis forcément mes amis, les écrivains que je connais, et qui sont comme mes collègues de travail ! J’ai récemment été ébloui par « Les choses humaines »*, le dernier roman de Karine Tuil.

*Éditions Gallimard



Propos recueillis par Michèle Wouters


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