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- Art & Création -

Prix littéraire
Michel Reybier

Cultiver l'esprit critique et l'imaginaire par la littérature

Créé en 2021, le Prix littéraire Michel Reybier est décerné chaque semestre à l’auteur en résidence de la Chaire d’écrivain de Sciences Po Paris, qui accompagne les étudiants dans leur apprentissage d’écriture et dans la construction de leur réflexion critique. à l’origine de ce mécénat, KAREN REYBIER revient pour nous sur les raisons de la création du Prix littéraire Michel Reybier, sur son ambition et sur l’importance plus que jamais essentielle de la littérature à l’époque actuelle.

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En quoi ce choix d’offrir aux étudiants un espace de liberté, d’imaginaire et un rapport différent au réel est-il important pour vous ?
C’est en étant témoin de l’immersion des jeunes dans des univers virtuels numériques qu’il m’a semblé utile de soutenir la Chaire d’écrivain de Sciences Po. En fait, on pourrait penser que l’imaginaire est favorisé dans ce meta-monde, mais c’est un imaginaire formaté, un produit de masse dont le but est avant tout commercial. À l’inverse, la littérature offre un espace de liberté réel qui demande un effort et un travail personnels.

Plus généralement, quelle place doit avoir selon vous la démarche de transmission auprès de la jeunesse ?
La transmission a pour moi un caractère primordial. Je suis particulièrement attachée à l’enseignement de l’histoire et de la philosophie pour tendre vers une évolution positive du progrès. L’actualité nous fait sentir combien notre suffisance intellectuelle peut se révéler tragique. L’esprit critique, mais aussi les moyens de l’exprimer, me semblent indispensables dans la formation des jeunes générations. Nous avons aussi la chance, grâce à la clientèle très internationale de Michel Reybier Hospitality, d’avoir le plaisir de partager la lecture de nos lauréats qui sont traduits dans de nombreuses langues.

Sentez-vous, de la part de la nouvelle génération, un intérêt croissant pour la langue française ?
Je ne sais pas si l’on peut parler d’un intérêt croissant pour la langue française, mais il y a assurément un intérêt constant, voire croissant, pour la fiction en général et pour des formes narratives nouvelles, innovantes – le succès des séries en témoigne, qu’elles soient étrangères ou françaises. Des façons nouvelles de s’exprimer sont expérimentées par des écrivains – je pense notamment à Maria Pourchet et à son dernier roman, Feu. Nicolas Mathieu, récompensé du prix Goncourt pour Nos Enfants après eux (2018), dont le dernier roman, Connemara est sorti en janvier et figure parmi les meilleures ventes, a lui aussi une écriture nouvelle. Il allie le langage oral et un registre plus élevé, et le résultat est un miroir de notre époque.

Pensez-vous que la rencontre d’une œuvre littéraire puisse avoir une influence déterminante sur une vie ?
Oui, c’est évident. Pour moi ce fut Flaubert, avec Salambô ; impossible de me souvenir pourquoi. Il faudrait que je le relise pour comprendre ce qui s’est joué pour moi lors de cette première lecture. J’ai ressenti un choc. Enfant, je lisais beaucoup, mais essentiellement des biographies de rois, d’empereurs romains, de tsars et de tsarines, de pharaons. Tout y passait. Et avec Flaubert, une porte s’est ouverte. Il y avait le récit bien entendu, mais quelque chose en plus, une dimension dont je n’avais pas encore fait l’expérience. Plus tard, il y eut Kundera et L’Insoutenable Légèreté de l’être. Il m’a fait comprendre qu’un roman pouvait aussi bien distraire que me conduire à réfléchir à mon époque. à une autre période de ma vie, je n’ai lu que Balzac. J’avais le sentiment que tous ceux que je connaissais, et moi comprise, pouvions nous retrouver dans La Comédie Humaine. La lecture, dont on pense souvent qu’elle est un plaisir solitaire, a aussi une dimension sociale. Les réseaux dits sociaux ne remplaceront jamais l’émotion de la lecture d’une œuvre et le sentiment de communauté immédiate, d’amitié, que l’on éprouve quand on rencontre quelqu’un qui a ressenti le même plaisir à la lecture d’une œuvre.

Y a-t-il un auteur qui a changé quelque chose dans votre vie, dans votre perception du monde ?
C’est un cliché, mais je dois reconnaître que la lecture du Deuxième Sexe m’a réconciliée avec le féminisme. J’étais un peu perdue et en désaccord avec l’approche féministe qui consiste à faire advenir un monde où les femmes ne puissent plus du tout se référer à leur corps. La relecture de Simone de Beauvoir par Camille Froidevaux-Metterie, son approche phénoménologique du féminisme, m’a aidée à me réinsérer dans le courant d’une lutte qu’il faut impérativement partager avec l’ensemble des femmes. C’est une approche moins clivante, me semble-t-il, à laquelle les femmes d’autres cultures devraient plus facilement adhérer.

Louis-Philippe Dalembert et Alice Zeniter ont été les premiers lauréats du Prix littéraire Michel Reybier. Au-delà de la richesse et de la complexité de leurs œuvres, que l’on ne peut résumer en quelques mots, en quoi ces auteurs vous ont-ils touchée ? Quelles œuvres vous ont marquée ?
J’ai beaucoup aimé Mur Méditerranée de Louis-Philippe Dalembert. Il m’a plongée d’une manière inattendue et efficace au cœur de drames qu’il m’arrive de regarder avec distance. Cette confrontation est salutaire et aujourd’hui, la catastrophe humanitaire qui se produit aux portes de l’Europe prend une importance nouvelle, grâce à lui. Quant à Alice Zeniter, sa personnalité forte et son engagement féministe ont bouleversé mes lectures et l’idée que je me faisais de la condition féminine actuelle. Je suis une fille sans histoire et l’adaptation théâtrale qu’elle en a faite me font aborder la plupart des textes que je lis avec un œil neuf, plus critique. Mathias Enard, notre troisième lauréat, m’a conquise au fur et à mesure que je le découvrais. Je lis ses livres désormais sans pouvoir m’interrompre. Je ris, plaisir rarement offert par la littérature ; j’aime son mélange d’érudition, de virtuosité et d’humour, voire de loufoquerie. Son dernier roman, Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs, publié comme ses livres précédents chez Actes Sud, est un formidable texte rabelaisien.

À travers l’aspect francophone de ce prix, désirez-vous valoriser la littérature française ?
Je dirais justement que c’est la littérature francophone que je souhaite mettre en valeur, faire découvrir et découvrir moi-même, et non uniquement la production française. Prenons l’exemple de la littérature québécoise : elle est florissante et de plus en plus diffusée en France, notamment à travers une maison d’édition québécoise formidable, La Peuplade.

Au-delà de la littérature, souhaitez-vous vous exprimer par d’autres biais culturels : mode, art contemporain, photographie… ?
De quelle manière ?

Tous les moyens sont bons à mes yeux quand ils servent à promouvoir les valeurs démocratiques, la liberté d’expression, l’éducation. J’ai plus de peine quand l’art est au service de la publicité, comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui. Céline Fribourg, avec qui mon désir de prix littéraire a pris forme, édite des livres d’art extraordinaires et m’a permis de rencontrer des artistes talentueuses telles que Prune Nourry ou Kate Daudy, qui représentent un idéal de femme contemporaine qui me correspond.

Propos recueillis par Anne Marie Clerc

Michel Reybier nous explique le sens de son engagement pour la culture et le lien entre le Prix littéraire Michel Reybier et l’hôtellerie. 

« Créer une communauté d’écrivains en lien avec notre art de vivre »

« La littérature et la culture en général ont toute leur place dans notre vision de l’art de vivre. En créant une communauté d’écrivains en lien avec nos clients, nous leur donnons la possibilité de découvrir l’univers des auteurs, d’échanger avec eux à différentes occasions et d’apprendre. Ouvrir son esprit et progresser est un point essentiel de ma philosophie de la vie. Nous avons d’ailleurs commencé à constituer des bibliothèques dans certains de nos établissements et je souhaite les développer, leur donner plus de sens, avec des fonds spécialisés dans différents domaines. Nous devons rendre l’accès à la connaissance plus facile, sur des thématiques choisies avec soin, qu’il s’agisse de littérature, d’œnologie, d’art ou de santé. » Michel Reybier

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