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Luxe et technologie :
si (in)compatibles ?

C’est une union entre deux secteurs que tout oppose. Si certains encensent la convergence du très codifié secteur du luxe et de l’innovation, pour d’autres la fusion des deux prête encore à débat. Alors bon sens ou hérésie ?

L’excellence connectée

Une pensée unique consisterait à opposer l’univers du luxe et la technologie. En cause, une hypothétique incompatibilité entre les valeurs d’exclusivité, d’exception du luxe et l’effet d’immédiateté et d’accessibilité (mass-market) du numérique. Après des débuts hésitants, il semble que le secteur soit enclin à adopter l’innovation. D’une part pour continuer de faire rêver et fidéliser sa clientèle, mais aussi pour rester compétitif au risque de se ringardiser. Tout en maîtrisant leur image, les marques adoptent les nouveaux standards technologiques en matière de : communication, data, création de produits, services, fabrication, relation client et personnalisation. Le digital est ainsi placé au cœur de leurs priorités stratégiques. Il se révèle être un formidable outil pour interagir avec les consommateurs, courtiser de nouveaux marchés notamment les millennials et miser sur l’individualisation (expériences sur-mesure, interfaces dédiées à la personnalisation de produits). Ainsi l’acte d’achat est boosté autour d’une relation multicanale : médias sociaux, boutiques en ligne (site web de la marque ou e-distributeurs) jusqu’au magasin physique. De leur côté, les points de vente se réinventent et proposent des immersions ludiques (cabines d’essayage connectées, hologrammes, réalité virtuelle). Par conséquent, l’expérience client s’est métamorphosée, reléguant au second rang l’offre de produits pour laisser place à une offre de services. Certes, les noces entre réel et virtuel ont bousculé les codes. Mais elles ont aussi donné naissance à des rencontres fécondes entre créatifs, artistes et technologues.


Vers un renoncement des traditions ?

Nombre d’initiés sont encore attachés à cette image du luxe et ses piliers que sont l’authenticité, le fait main et la rareté. Mais dans un monde en constante évolution, il doit cohabiter avec l’intelligence artificielle. L’antithèse se vérifie jusque dans la sémantique. Ainsi, on peut légitimement se questionner. Que deviennent les traditions, les savoir-faire et la créativité, si les machines remplacent la main de l’homme ? Comment continuer à entretenir des valeurs d’intemporalité et d’héritage quand la technologie ne jure que par les mises à jour et l’obsolescence programmée ?

À trop se démocratiser et céder à la surenchère technologique, le luxe risque de dénaturer son essence même et aller à l’encontre de ses valeurs. Pire, la place de l’humain et sa valeur ajoutée sont remises en question. Bien que les « wearables technology » (vêtements, textiles intelligents) et objets connectés soient en plein essor, l’artisanat ne peut disparaître. En outre, de grands noms tiennent encore aux petites mains, à l’instar de Chanel qui promeut les métiers d’art avec le rachat de Maisons telles que Lemarié (plumasserie) ou Lesage (broderie). Que l’on soit client ou collectionneur, s’approprier l’histoire d’un parfum, d’un vin millésimé ou d’une robe haute couture, c’est entretenir le désir et la légende. Une quête de sens et des sens pour ne pas voir à terme la dépréciation de cet univers élitiste.


Net plus ultr@

L’alliance timorée entre ces deux industries pour l’une historique, pour l’autre futuriste, suscite encore des discordes entre partisans et détracteurs. Pourtant, créativité et innovation sont plus que jamais des leviers de croissance. Pérenniser ce lien naissant, ne peut être effectif sous réserve que chaque discipline reste fidèle à ses valeurs. La technologie doit être mise au service du luxe, redevenir complémentaire au travail humain, non le substituer, en révéler l’excellence, et non la dévoyer. L’idée n’est donc pas de tourner le dos à l’émotionnel ni même aux savoir-faire traditionnels. Au contraire ! Le luxe est tenu de gagner en proximité sans perdre en désirabilité, autant que la technologie prôner l’authenticité sans s’auto-censurer. Un équilibre nécessaire pour s’inscrire dans la modernité sans renier son identité. Finalement pas si insensible à la technologie, le luxe…

Par Stéphanie Laskar


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